lundi 15 juin 2009

LGF surveille un examen (2)

Bref, j'arrive sur le campus, je trouve péniblement le bâtiment Z 56 où on nous a remisés, “parce que là vous serez bien, au calme, pas comme ici avec tous ces blocages. Et puis, là-bas sur le campus, ils ferment tard, vous pourrez rester tranquillement jusqu'à la fin de l'épreuve”. Devant l'Amphi Paré, foule des grands jours. Je fends la masse d'une épaule sûre et me glisse lestement jusqu'à la double-porte — enfin, aussi lestement que possible quand on charrie les sacoches décousues de deux ordinateurs portables, plus les copies et le brouillon sur un bras, et sur l'autre les cinq enveloppes de sujets qui menacent de glisser lamentablement et de se vider devant les étudiants. Evidemment, je suis la première. Le prof de grec excusé, Machin pas arrivé, j'ai trois minutes pour me poser et installer le fameux Pahouerpouêt. Hors de la vue des étudiants restés sagement attendre à l'extérieur que sonne l'heure des hostilités, je peux m'effondrer de manière peu présentable au pupitre de ce vaste amphi suréquipé, le temps de reprendre souffle et contenance. On est en fac de médecine, c'est moins la chienlit que chez nous, et je vois que les services techniques ont imprimé une petite notice très claire permettant de connecter n'importe quel ordinateur au video-projecteur fixé au plafond ; le tableau noir est surmonté d'un vaste écran blanc, tout baigne. Voilà, je lis sur les petits boutons: “Abaisser l'interrupteur. Appuyer sur ON. Connecter l'ordinateur à la prise VGA”. Enfantin, en effet. La prise VGA, je la vois. Je sais que mon collègue m'a laissé le petit adaptateur qui va bien, les deux rallonges (ah, bonne idée : la prise est super loin) et même le détrompeur au cas où la prise serait protégée, je suis parée. Voilà, j'ouvre le PC, je branche le petit adaptateur, je le connecte au câble VGA… Euh, le câble VGA?…

Affreux tas de couillons béats ! Bande d'andouilles malfaisantes ! Quel possesseur de portable se trimballe AUSSI avec un câble VGA ? Normalement ils sont fixes, et déjà dans les salles, nom d'une vergeture ! Et là, rien ? Un coup d'œil à la montre et je comprends que j'ai dix minutes pour sauver l'épreuve de vases grecs. Dure épreuve pour une feignasse comme moi. Je remballe tout : les PC, mon sac à main avec le Marie-Claire, les quatre kilos de copies, les enveloppes avec les sujets ultra-confidentiels, je tente une sortie digne et je me mets à courir dans tout le bâtiment à la recherche de quelqu'un qui saurait où trouver quelqu'un qui, un vendredi soir à 17h17, aurait un câble VGA à me prêter. J'ai l'impression d'être dans un jeu télévisé japonais crétin, je sue, je souffle, j'entends presque les rires enregistrés et les commentaires désobligeants de l'animateur. Mes chakras m'avaient prévenue : cette surveillance sentait l'arnaque. Gagné : au lieu de me décontracter les orteils en suçotant mes barres avoine-cranberries, je participe à une espèce de pastiche idiot de Fort Boyard. Evidemment, le bâtiment est exclusivement réservé à des amphis. Pas un bureau. Je galope en traînant la patte, rajustant tous les vingt pas les sangles des sacoches à portable. Au détour d'un couloir, une aimable femme de ménage finit par me dire avec gentillesse : “Ah, mais il faut aller au Secrétariat, c'est là, juste derrière ! Venez, je vous montre”. Elle a raison de me montrer : en fait de juste derrière, c'est au moins à 400 mètres, dans un autre bâtiment, derrière une rangée de peupliers, une allée carrossable, et deux collines artificielles à la pelouse galeuse. Je me hisse dans le bâtiment que mon guide providentiel m'a indiqué avant de replonger dans la jungle qui semble lui être familière. C'est bien ma chance : c'est là que crèche justement le service informatique ! J'avise une porte. Fermée. Une autre. Fermée. Une troisième. Tout le couloir. Fermé, fermé, fermé. L'angoisse m'étreint : il est 17h22, je n'ai ni vérifié les cartes d'étudiants, ni fait l'appel, ni — a fortiori — distribué copies et brouillons, et je n'ai même pas de quoi passer le sujet. Tout à coup, miracle : au fond du couloir, un bureau ouvert. J'entre, il est désert. Au fond, deux portes. Je frappe, au hasard. Second miracle ! Quelqu'un. Une adorable responsable de la scolarité, qui me répond, “mais oui bien sûr, un câble VGA, mais j'en ai justement un là, n'oubliez pas de venir le remettre dans la boite aux lettres, parce que (petit rire), non, à 19h30, je ne serai plus là…”

Ivre de bonheur et de soulagement, je parcours en sautillant le chemin qui me ramène à l'Amphi Paré, les portables et les copies brinqueballant gaiement sur mes épaules découvertes et mes mignons avant-bras. Je pousse du pied la porte à deux battants, façon saloon, et je fais une entrée fracassante, cheveux collés au front et joues marbrées, dans l'amphi désormais bondé. Mon collègue Machin est arrivé, il a fait entrer les troupes, on se lance. Consignes de placement. Rangement des sacs. Vérification des cartes. Distribution des copies, feuilles de brouillon par couleurs alternées. Alors que nous nous croisons dans une travée avec nos piles de papier joliment coloré, Machin me glisse à l'oreille : “Elle t'a dit, Geneviève, pour les feuilles ?…” Hein ? De quoi, pour les feuilles ? Ben, oui, m'explique Machin à mi-voix, c'est un peu la pénurie, à vrai dire. Fin de budget ? Mauvaises prévisions ? Réassort oublié ? Quoi qu'il en soit ce sera très dur d'aller jusqu'à la fin de la session avec le stock actuel, alors si on pouvait éviter de gaspiller… Bon, d'accord, je ne suis plus à ça près. Grotesque pour grotesque, je rationne le papier. Quoi ? Vous voulez deux copies ? Vous vous croyez en Amérique ? Vous pouvez pas écrire serré, non ? Et le brouillon, vous croyez que c'est gratuit ? Vous êtes obligé de gaspiller, hein ? Pouvez pas optimiser, non, en utilisant le verso, par exemple ? Comment ça, c'est du papier pelure, on voit à travers, on ne peut plus se relire ? Ah, je vous jure, ces étudiants maternés, assistés, pouponnés toute l'année, ils n'ont pas conscience de la crise ! Décidément, nos ministres ont bien raison de vouloir rationaliser tout ça. Je distribue donc chichement mes précieuses feuilles d'examen, avec la moue hautaine de celle qui a conscience de la vraie valeur des choses, en songeant avec un mélange d'horreur et d'incoercible gaieté au jour béni où tous les examens se dérouleront devant un poste informatique, casque sur les oreilles, voix de synthèse façon Roissy Charles de Gaulle et objectif zéro empreinte carbone enfin atteint.

Vient le délicat moment de la distribution des sujets. Moi, à la cantonade : euh, “Vases grecs”, vous levez la main ? Mais Machin est parti de l'autre côté de l'Amphi et il distribue “Irlande précolombienne”, ce qui fait qu'on ne sait plus qui lève la main pour quoi, je redescends trois fois tout en bas, remonte trois fois tout en haut, ouf on en vient à bout, maintenant c'est au tour de mon sujet. J'ouvre l'enveloppe en kraft d'une main fébrile. Geneviève m'a prévenue : “à l'imprimerie, ils n'ont pas pu agrafer les trois feuillets, Kevin est en stage et Roger se souvenait plus où était la clé de l'armoire pour les agrafes ; ça ira comme ça ?” Ce qu'elle n'a pas dit, Geneviève, c'est que Roger, il n'a pas davantage pensé à trier les feuilles. Ce qui fait que je monte les gradins avec, étalés sur l'avant-bras, trois paquets de sujets, et qu'à chaque main levée, je dois glisser une feuille de chacun des paquets, sans rien faire tomber — et sans en glisser deux à la place d'une, parce que les feuilles, c'est un peu comme les copies : j'en ai juste le nombre. Faites-moi penser à dire deux mots à Kevin, quand il reviendra de stage avec la clé du placard et la notice de la trieuse…

(à suivre…)

2 commentaires:

  1. Pétition pour demander l’annulation de l’accord Vatican-Kouchner :

    http://www.mesopinions.com/annulation-de-l-accord-Vatican-Kouchner-petition-petitions-aa7ff411b416afe1d722a574e02b8c56.html

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