vendredi 13 mars 2009

La Grosse Feignasse monte un colloque (phase 1, II)

En fait non, le tout tout début, ç’a été de trouver une idée de colloque. Moi, ça m’intéressait pas plus que ça, de monter un colloque, j’aime mieux monter l’escalier pour soigner le galbe élégant de mes jambes. Mais si si, c’est important pour ton CV, d’avoir organisé un colloque, allez, faut t’y mettre. Donc je m’y suis mise, tout en enduisant généreusement mes ongles de dissolvant (je voulais tenter un truc un peu plus trash que d’habitude, du vernis bleu, ou même noir, comme Rachida Dati, ça, c’est vraiment la classe, j’ai juste pas la bague qui va bien, toujours rapport à mes émoluments de lémurien). Sur quoi je pouvais bien faire un colloque, feignasse que je suis ? Bon, on a compris grâce au titre ci-dessus que j’avais trouvé le truc tip top, à la fois à la mode (l’otium, c’est tendance, en tout cas à l’Université) et en parfaite concordance avec mes propres aspirations. Et puis, en latin ça en jette.

Ensuite, en effet, il avait aussi fallu monter (encore ce verbe impitoyable) le projet scientifique, choisir le comité scientifique, contacter ces quelques heureux élus, écrire un à un à la petite trentaine de colloquants retenus (je jette un voile pudique sur la scène d’une rare violence que constitue la sélection desdits colloquants), gérer les egos des uns et des autres avec la même balance à neutrons qui sert à équilibrer les gars vraiment savants et les gars vraiment puissants dans le comité scientifique, repérer les éventuels filous, débusquer les vrais médiocres, éliminer impitoyablement les serial-annuleurs-de-dernière-minute, monter (toujours ce verbe impitoyable) le programme final, élaborer le budget, pardon : les budgets (selon les différents scenarii : option subventions généreuses, option voilure réduite, option nous-sommes- heureux-de-vous-cracher-dans-la-poche), réserver les hôtels, négocier les tarifs, régler la question (incontournable, fondamentale, dont dépendent la réussite et la renommée du colloque) du traiteur (9h07 un lundi matin : « allô, ici Corinne, de la Charcuterie-Traiteur Sanzot, c’était pour savoir si on pouvait remplacer les feuilletés au boudin par des canapés à la confiture de porc, c’est 0,13 € de plus par canapé, est- ce que ça rentre dans votre budget de rat ? ») et finaliser (pardon, il a fallu que j'apprenne aussi ce verbe) le tout. Voyez le tableau. Imaginez la torture pour ma flemme, le retard sur mes séances d’UV, l’abandon de mes cheveux qui fourchent, mes ongles qui se dédoublent, mes séances d’exfoliant qui passent à la trappe… Mais ce n’était pas fini. Restait la partie que je préfère : les relations publiques.

Eh oui : une fois la bête à peu près construite sur le papier, une fois le dossier en trois exemplaires gravés sur marbre transmis au Bureau de la Qualité de la Recherche pour attribution de subventions (« ah, on ne vous avait pas dit que la date limite, pour le dossier, c’était lundi dernier ? Vous n’avez pas eu notre mail ? Ben, notre mail d’hier soir, oui, c’est ça, pourquoi ? »), il reste à se tourner vers le milieu « local » : institutions, collectivités territoriales, associations, bref, les « partenaires » indispensables qui vont apporter à ces calembredaines universitaires le sacre de la vraie réalité ancrée dans la société civile. Alors il faut imaginer des manières de convaincre les élus locaux de l’intérêt de la manifestation (ce qui signifie souvent qu’il faut intégrer dans ladite manifestation une dégustation de produits locaux ou organiser une visite des ruines célèbres du département pour les conférenciers, ou mettre en place une exposition sur le thème du colloque). Là, il faut faire gaffe. Le jour où le type du Conseil Général m’a appelée, je sortais de mon bain, un masque à l’argile sur la figure, toute amollie par les huiles essentielles, pas sur mes gardes. Je lui ai répondu d’une voix de gorge, façon Lauren Bacall dans Key Largo. Quand il a commencé à me demander à quoi je pensais pour valoriser la région dans le cadre de ma manifestation scientifique de haut niveau, je lui ai proposé de faire sauter le doyen à l’élastique depuis la flèche de la cathédrale pour symboliser le courage que représentait l’entrée dans l’économie de la connaissance. Je rigolais, moi. Il a fallu six mails et quatre coups de fil pour que je parvienne à expliquer que, bon, c’était juste une carabistouille. Ah, oui, c’est carré-carré, un colloque, attention.

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