mercredi 13 mai 2009

Le colloque: la suite (2)

Plus j’écoutais Grand Gourou, plus je me sentais accablée. Otium, mes fesses ! Le colloque m’avait conduite à une sur-activité dangereusement sarkozyste, j’allais finir par penser que le virus dont j’avais été victime avait déjà produit ses effets délétères sur ma petite personne, et il y en avait franchement ras le cocotier. Je m’étais déjà tapée cinquante réunions à rallonges avec le comité d’organisation pour déterminer des trucs aussi fondamentaux et nécessaires à la marche du monde que le choix du traiteur, l’ordre des discours d’introduction, le moment où on allait présenter l’incontournable exposition accompagnant le colloque (nous avions choisi de très jolis hamacs, savamment disposés dans l’une des salles adjacentes, et la subvention du CG devait permettre d’offrir à chacun des participants un magnifique transat « Travailler plus pour gagner plus », j’avais essayé de faire supprimer le slogan, en totale contradiction selon moi avec l’esprit du colloque, mais en vain), le restaurant où nous allions dîner dans une ambiance décontractée à l’issue du premier jour de pétrissage intensif de neurones, le plan de table audit restaurant (source d’infinies tractations, et qui ne serait finalement pas respecté du tout), l’élection âprement disputée des présidents de séances, l’intitulé desdites séances, dont dépendrait l’organisation des interventions, j’en passe et des meilleures. Il avait fallu surtout discuter d’un imbroglio diplomatique comparable, en difficultés et en enjeux, au processus de paix au Moyen Orient : vu que le colloque devait se tenir en partie à l’extérieur de l’Université, dans deux bibliothèques partenaires dont les grands chefs ne pouvaient pas se blairer et dont il fallait ménager les susceptibilités chatouilleuses, nous avions consacré la moitié de ces réunions à déterminer dans quel ordre les trois journées du colloque devaient avoir lieu, et comment on expliquerait à celui qui arrivait en deuxième qu’on avait choisi son pire ennemi pour le premier jour, et comment on ferait avaler à celui-ci que celui-là était finalement associé au truc, et patati et patata, bref, j’en avais ma claque de ces histoires de préséance dont on se tamponnait le coquillard. Mais Grand Gourou a été intraitable. Il m'a tout bien fait répéter, il m’a posé quelques questions pièges, et puis il m'a renvoyée, tranquille, avec une petite tape sur la joue.

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