mercredi 10 juin 2009

LGF siège en Conseil Scientifique (2)

Dans cet harmonieux concert des miniaturisants, avait retenti soudain la note discordante qui annonçait la modulation saisonnière: un jour où nous attendions servilement que sous la pression conjuguée de nos regards las et de notre accablement la porte de la salle du conseil s'entrouvrît pour nous permettre de nous livrer à ces ébats académiques que le monde nous envie, le directeur de l'équipe d'accueil “Pragmatique Cognitive et Brain Diseases” était arrivé souriant, léger, les mains négligemment glissées dans les poches de son pantalon de lainage souple Armani, comme s'il arrivait là en voisin, qu'il allait nous écouter débattre la main oisive et l'œil volage, SANS PRENDRE DE NOTES. Il avait bien un cartable, un dossier au moins, quelques crayons déformant la poche de son impeccable costume?! Je voyais déjà transpirer les collègues qui l'instant d'avant rivalisaient de mégabits et de hardware.

N'y tenant plus, le désinvolte mandarin a plongé deux doigts sous son bras gauche pour saisir du bout des ongles la pochette de textile extensible et moelleux dans laquelle était dissimulée l'extraordinaire machine qui remisait définitivement les micro-portables au rang de hochets pour fillettes: l'ultra-léger, aérien, quasi vaporeux Macbook Air, qu'il a ouvert nonchalamment sur son avant-bras, déployant devant les yeux exorbités de ses camarades un écran d'une envergure, d'une délicatesse, d'une luminosité pré-raphaélites. Le geste et l'objet ont médusé l'assistance masculine au point que je me suis demandé un instant si ce jour-là mon essai de high-panties Velvet prune métallisé n'allait pas faire un flop.

A l'heure où j'écris, trois membres du conseil ont déjà leur Mac Air, ce qui réduit d'autant la puissance d'attractivité du machin; et comme la prochaine Apple Expo a été remise aux calendes grecques, j'ai un peu de marge pour tester sur les membres du conseil l'effet sidérateur du Too Faced Lava Gloss Eyeliner et des bustiers La Perla Black Label.

Mais là, cet après-midi, impossible de jouer dans le couloir, on est entrés tout de suite dans le vif du sujet, fallait pas traîner, on avait assez perdu de temps comme ça avec ces grèves, ces blocages et ces rondes obstinées. L'ordre du jour était encore plus copieux que d'habitude — d'un coup d'œil j'ai calculé d'emblée que je devrais sortir me repoudrer le nez entre les demandes de délégation au CNRS et la présentation du bilan du Centre Interrégional de Prévention du Cancer Colorectal par prélèvement de matières fécales, et probablement entre le bilan de l'unité INSERM “légionellose et troisième âge” et la demande de création du GIS “diagnosticologie et primo-affections de la blatte en milieu sub-tropical” , cette fois pour un léger raccord de blush, vu l'atmosphère elle-même subtropicale de cette salle saturée de matière grise et de testostérone.

Le temps que je planifie tout ça, les débats avaient déjà commencé, et un chargé de mission en chemise de satin noir étriqué nous expliquait, pouèrepoïnte à l'appui, que “la démarche qualité avait introduit une logique par gestion de projet généralisée” et que le laboratoire dont il était question “s'était positionné comme structure d'interface”. J'avais bien fait de venir. A la fin du speech, le chargé de mission a accompli devant nous le svelte demi-tour sur lui-même qui signifiait qu'à présent il était heureux de s'offrir à nos questions, et un gars d'en face, un physicien velu dont je tentais désespérément depuis une demi-heure d'attirer l'attention par des airs pénétrés et des écarquillements de paupières un peu surjoués (mais il fallait compter sur la distance de 10 mètres, qui affadit tous les effets), a levé la main et a demandé si on aurait “les slides”. J'ai cru qu'il se foutait de la gueule du type en noir. Mais non. Il voulait vraiment se repasser chez lui la présentation surchargée de texte, avec les diapositives tamponnées au logo vert et bleu de l'université en fondu-enchaîné, qui nous expliquait le détail de la “prise en compte des activités de support et de gestion dans l'évaluation de la valeur des contrats”. Et j'avais perdu une demi-heure à faire des œillades à un type pareil?!!

4 commentaires:

  1. Supercorrectrix10 juin 2009 à 14:46

    Attention à ne pas vous laisser distraire par le physicien velu, LGF, il y a un petit problème d'imparfait du subjonctif à la ligne 3, un raccord du blush s'impose d'urgence !

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  2. Woulàlà!
    Mais je suis trrrrrès ennuyée… Si je le corrige, votre commentaire n'a plus lieu d'être. Et si je le corrige pas, je passe pour une prof de maths…
    Et si je le corrige, et que je fais disparaître votre commentaire, c'est discourtois, non?…
    …ha… que faire?…

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  3. Supercorrectrix10 juin 2009 à 20:40

    De corriger ou non le dilemme est sérieux
    Mais ne vous gênez pas, blogueuz bénie des dieux
    Peu importe après tout mon petit commentaire
    Il vous faut avant tout respecter la grammaire.

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  4. Soit! le A devient I pour respecter l'usage.
    Soit! je m'engage ici à devenir plus sage
    et à ne pas laisser par de velus savants
    détourner du clavier mon esprit escrivant

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