mercredi 29 avril 2009

LGF fait un TD (3)

Option 1, à laquelle je me rallie quand j’ai passé la nuit à comparer les nuances de mes vernis à la lumière électrique et que je me sens un peu faible (qui a ajouté "...Panoramix", là-bas dans le fond ?) : je balaie la salle d’un regard souverain et dédaigneux, et je lâche, telle la colombe que n’atteint pas la bave du crapaud, un froid « Vous ne voulez pas travailler ce matin ? Bon, ben, les gars, tant pis pour vous, j’ai mieux à faire ». Et là, je sors sous leurs yeux ébahis, de mon magnifique cartable en lézard assorti à mes sandales, un hamac portatif conçu spécialement pour moi par un copain chargé de recherches au CNRS qui arrondit ses fins de mois en faisant de la menuiserie. J'ouvre un magazine à haute plus value intellectuelle dans lequel je vais choisir le prochain sujet de dissertation (« Faut- il mentir au lit ? », « "J'ai testé l'amour à plusieurs" : qu’en pensez-vous ? », « "Irrésistible en jeans c'est possible" : vous veillerez à construire une argumentation étayée par des exemples précis » ; « "Tendance: on veut toutes des clips d'oreilles" : vous développerez les arguments pro et contra »), je me choisis soigneusement une petite place au soleil, et je leur balance, avant mes sandales : « z’avez qu’à potasser maintenant le sujet que je vous ai distribué la semaine dernière, bande de feignasses, on le corrigera la semaine prochaine ». Et le tour est joué, ça, c’est du TD comme je l’aime, parce que je le vaux bien.

Option 2, à laquelle je succombe les jours où mon hypertrichose palmaire a oublié de se réveiller : je songe qu’il va falloir trouver moyen de dynamiser le truc. J’hésite à partir sur autre chose, je me tâte (du bout des doigts, en dessinant de petits cercles, pour combattre l'effet peau d'orange), et je décide de persévérer encore un peu quand même. « Bien, bon, donc, comment s’appelle le recueil dont il est question ? ». Un doigt timide amorce une montée vers le plafond. Yes ! « Le spleen de Paris, m’dame. – Oui, très bonne réponse, il porte un autre titre ? – Petits poèmes en prose. – Alors, ce titre, il ne vous pose pas problème ? – Ben si, c’est un peu bizarre, des poèmes en prose. – Pourquoi ? – Parce que normalement c’est en vers, la poésie. » Ouf, c’est parti.

Je me mets en mode « plein la vue », claquettes, pirouette cacahuète, tambours et trompettes. J’attrape au vol les balles que me lancent les étudiants, je les fais tourner, je jongle avec jusqu’à ce qu’elles aient pris la forme que je voulais leur imprimer et puissent s’inscrire dans une progression intelligente et construite et, une fois que j’ai ainsi résolu la quadrature du cercle, je les lance négligemment sur le tableau, qui se couvre peu à peu, par les vertus conjuguées de l’alchimie pédagogique et d’un bâton de craie, d’un cheminement argumentatif construit et cohérent. Nous sommes devenus, comme disent mes copains de l’IUFM, une communauté de recherche d’éléments de compréhension dont je suis le remuant et dynamique chef d’orchestre. Exercice ô combien périlleux, dont la réussite réside dans un savant dosage d’équilibre et de rythme : laisser la parole circuler, en évitant tout aussi soigneusement le mutisme ravageur de Mourad, renfrogné contre son radiateur, que la logorrhée de Cindy, au premier rang, qui se tortille sur sa chaise et lève le doigt à chaque question mais qui, si on lui la donne, va monopoliser la parole pendant cinq précieuses minutes au cours desquelles les autres risquent de décrocher. Eviter aussi de ne laisser parler que Sébastien, qui touche toujours juste mais dont la pensée, vive et rapide, risque de ne pas laisser aux autres le temps de parvenir à la conclusion désirée. Eviter soi-même de vouloir trop diriger ce travail (c’est pourquoi d’ailleurs il est bon de ne l’avoir préparé que dans son bain, distraitement).

C’est dur le TD, ouh la la ! Qu’est-ce qu’il faut être con pour faire du TD ! Moi en tout cas, ça me demande une énergie considérable et non recyclable ; j’en sors totalement lessivée, hagarde, cheveux en bataille et rillettes sous les bras (mais grâce à mon chemisier blanc et mon stock de lingettes déodorantes, c’est ni vu ni connu j’t’embrouille). Mon sexe à pile n'est pas optimal, en fin de TD. C'est d'ailleurs rageant parce que, contrairement à mon CM, il y a pas mal de garçons dans mon TD. Je me suis toujours demandé pourquoi. J'ai une collègue qui enseigne l'anthropo juste à côté, dans l'amphi Judith-Butler, et qui m'a fourni une explication, un jour : c'est parce que l'assiduité aux TD est obligatoire pour les boursiers. Et alors ? ai-je demandé en haussant un sourcil dubitatif. Et alors, m'a répondu la collègue en hennissant de rire, justement : tous ceux qu'ont des bourses sont là. C'était trèèès mauvais. Je lui ai pété deux dents. Quand je vous le disais : le Travail Dirigé, ça porte sur les nerfs, à la longue.

3 commentaires:

  1. pfff, t'es tellement feignasse que tu trouves le moyen de piquer des expressions dans des sketches de Coluche... J'adore! :D

    Tu as trouvé plus feignasse que toi, on dirait!

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  2. Pouah ! On peut toujours courir pour intéresser quelqu’un avec ces vieilleries du XIXe! Il faut du neuf, du sensas… Pourquoi pas proposer une étude comparée du sex-appeal dans "Les Billets" de LGF, "Professeur de désir" de Philip Roth et "Feu-de-plancher" de Philippe Chardaing ?

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  3. Le fonctionnaire arrive dans son burlingue. Comme tous les matins. Il prend un café. Puis douze. Maintenant qu'il a grave envie de pisser et faire la grosse commission, merde y'a un coup de fil (comme quoi, ils travaillent !). C'est sa mère (vous y avez cru hein !). Mais non c'est bien ça, il va rien branler de toute la matinée, qui a commencé à 9h37. Là il est déjà 11h30. Presque midi... autant y aller, prendre le temps de manger (voire faire un gros caca mou). Allez, il est parti. Il travaillera cet après midi, mais il faut avoir le temps avant 15h57 quand même ...

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