C'est qu'un TD, comme son nom l'indique, est un Travail Dirigé. C'est moi qui dirige, évidemment, et ce sont les étudiants qui travaillent. Mais attention, hein, c'est du boulot, diriger le travail des autres. En TD, je ne suis plus installée en haut de ma chaire pour dispenser à la foule massée au pied du savoir les pépites de connaissance joliment ciselées qui leur exploseront instantanément dans le cervelet, enfin, peut-être. En TD, je suis une pépinière à moi toute seule, une serre, une incubatrice (ou, les mauvais jours, un bac à compost) : j'interviens parcimonieusement, je relance, je stimule, je favorise l'interaction, je laisse s'ébrouer les jeunes cerveaux qui prennent leur premier galop dans le champ fraîchement labouré du savoir ; ils s'expriment, ils aiguisent leur esprit critique sur des sujets judicieusement choisis, finement ciblés, qu'ils auront avec zèle et conscience soigneusement préparés pour le jour J, et qu'ils viendront décortiquer avec la fougue de la jeunesse sous la houlette maternelle de la prof ; avides d'intervenir, ils se disputeront la parole, ils sauront rebondir sur mes suggestions, allumer les feux de l'échange, et nous rirons tous de ce pétillement de... ah... non, je vois ce que c'est, c'est encore mon bain qui était trop chaud.
En général, ça ne pétille pas trop, un TD. Lorsqu'ayant à peine posé sur le seuil de la salle un pied joliment cambré dans une sandale gracieuse, je lance un sonore et sémillant : « Bonjour, vous allez bien ? », je ne récolte pas très souvent les cris pâmés de mes fans inconditionnels, ni les tempêtes d’enthousiasme, ni les hululements de foule en délire que la perspective d'un Travail Dirigé devrait normalement susciter. Généralement, je n’obtiens en retour que le silence effrayant d’espaces infinis, à peine troublé par quelques borborygmes que je fais mine de prendre pour un oui plein d’allant. « Vous avez préparé le sujet que je vous ai donné la semaine dernière ? ». Les borborygmes expirent sur les lèvres ; le silence se fait vraiment et chacun s’absorbe, qui dans l’admiration muette de son propre nez, qui dans la vérification inquiète d’ongles parfois dignes de concurrencer les miens, qui dans la contemplation d’un graffiti opportunément apparu sur son pupitre (« Xavié Darcauce est un salle kon »), dont il s’agit soudain de mesurer la vérité profonde et jusqu’alors occultée par la pression de l’autorité et les grands coups d’éponge javellisée.
(à suivre...)
'tain, ils sont encore plus feignasses que toi. Vachement rare.
RépondreSupprimerOn comprend mal comment Lodge a pu appeler ça un tout petit monde. Un monde de feignasses aurait été franchement plus adapté, non ?
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