lundi 27 avril 2009

LGF fait un TD (1)

Un TD, à première vue, c'est beaucoup plus cool qu'un CM. Un CM, c'est long à préparer, c'est lourd, c'est laborieux, ça sent l'intelligence au travail, c'est-à-dire la sueur. Pas un TD. Un TD, ça sent plutôt l'huile essentielle de marjolaine et la mousse de crème à l'extrait de tulipe des polders, parce que c'est ça que j'aime dans mon bain : or, le TD, justement, je peux le préparer dans mon bain, avec les petits bouchons de mousse entre les orteils pour attendre que le vernis sèche. Je suis paresseusement le fil d'une idée flottante, je trace des figures compliquées dans la mousse, toute ma matière grise s'affale voluptueusement au fin fond de mon occiput délicatement dessiné, et hop une deuxième idée pas bête vient à passer qui rejoint la première, à peine le temps de me faire mon gommage aux pépins de concombre du Laos et je tiens le plan de ma séance. C'est d'ailleurs pour ça qu'une heure de TD, c'est une heure TD, une heure payée à rien foutre, alors qu'une heure CM, ça vaut une heure trente « équivalent TD », parce qu'il a fallu bosser avant de se présenter, fraîche et sautillante, devant les étudiants. Mais, si le CM a coûté de la sueur avant, le TD, lui, va en coûter pendant.

C'est qu'un TD, comme son nom l'indique, est un Travail Dirigé. C'est moi qui dirige, évidemment, et ce sont les étudiants qui travaillent. Mais attention, hein, c'est du boulot, diriger le travail des autres. En TD, je ne suis plus installée en haut de ma chaire pour dispenser à la foule massée au pied du savoir les pépites de connaissance joliment ciselées qui leur exploseront instantanément dans le cervelet, enfin, peut-être. En TD, je suis une pépinière à moi toute seule, une serre, une incubatrice (ou, les mauvais jours, un bac à compost) : j'interviens parcimonieusement, je relance, je stimule, je favorise l'interaction, je laisse s'ébrouer les jeunes cerveaux qui prennent leur premier galop dans le champ fraîchement labouré du savoir ; ils s'expriment, ils aiguisent leur esprit critique sur des sujets judicieusement choisis, finement ciblés, qu'ils auront avec zèle et conscience soigneusement préparés pour le jour J, et qu'ils viendront décortiquer avec la fougue de la jeunesse sous la houlette maternelle de la prof ; avides d'intervenir, ils se disputeront la parole, ils sauront rebondir sur mes suggestions, allumer les feux de l'échange, et nous rirons tous de ce pétillement de... ah... non, je vois ce que c'est, c'est encore mon bain qui était trop chaud.

En général, ça ne pétille pas trop, un TD. Lorsqu'ayant à peine posé sur le seuil de la salle un pied joliment cambré dans une sandale gracieuse, je lance un sonore et sémillant : « Bonjour, vous allez bien ? », je ne récolte pas très souvent les cris pâmés de mes fans inconditionnels, ni les tempêtes d’enthousiasme, ni les hululements de foule en délire que la perspective d'un Travail Dirigé devrait normalement susciter. Généralement, je n’obtiens en retour que le silence effrayant d’espaces infinis, à peine troublé par quelques borborygmes que je fais mine de prendre pour un oui plein d’allant. « Vous avez préparé le sujet que je vous ai donné la semaine dernière ? ». Les borborygmes expirent sur les lèvres ; le silence se fait vraiment et chacun s’absorbe, qui dans l’admiration muette de son propre nez, qui dans la vérification inquiète d’ongles parfois dignes de concurrencer les miens, qui dans la contemplation d’un graffiti opportunément apparu sur son pupitre (« Xavié Darcauce est un salle kon »), dont il s’agit soudain de mesurer la vérité profonde et jusqu’alors occultée par la pression de l’autorité et les grands coups d’éponge javellisée.

(à suivre...)

2 commentaires:

  1. 'tain, ils sont encore plus feignasses que toi. Vachement rare.

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  2. On comprend mal comment Lodge a pu appeler ça un tout petit monde. Un monde de feignasses aurait été franchement plus adapté, non ?

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