Bon, j'suis tellement flemmasse que j'ai même pas fini de vous raconter ma matinée de cours. Allez, pour la fin, je fais vite (un cours d'agreg, ça ne sied pas au teint d'une feignasse comme moi).
Recoiffée, repoudrée, désodorisée et rayonnante, j’enchaîne donc sur mon cours d’agreg, un putain de truc inventé pour faire bosser les grosses feignasses comme moi (mais heureusement, tout cela va disparaître). Surtout l’interne. Là, ils en veulent, ils en demandent, ils posent des questions, ils connaissent super bien le texte, qu’ils ont relu quinze fois comme tu as dit de le faire sans le faire toi-même, ils vont aller te débusquer la contradiction nichée au cœur du 2e paragraphe de la p. 47 (le truc que t’espérais que jamais on te poserait une question dessus), et là, à votre avis Madame, il vaut mieux parler de litote ou d’euphémisme, et vous pourriez nous réexpliquer la différence entre la synecdoque et la métonymie, et est-ce qu’on ne pourrait pas déceler ici une référence au cortège du Saint Graal, et que pensez-vous de l’interprétation de Genette à propos du chapitre 49 (ils l’ont lu où, ça ? c’est dans ma biblio ?), vous ne trouvez pas qu’il va un peu trop loin, en parlant de « sommaire » ? On peut dire que ceux-là, ils pourrissent méchamment la vie de mon hypertrichose palmaire, mais en même temps, avec eux, j’oublie à chaque fois de parler de mes derniers achats chez Séphora, ce qui est le signe que soudain ma volupté consumériste se ratatine et laisse le champ libre à autre chose, un truc que j’aurais la flemme de définir.
Préparer ce cours, ça veut dire commencer d’y penser dès le mois de mai, le jour où le Bulletin Officiel révèle le programme à nos yeux éblouis (sauf si on a des copains dans l’édition, qui commencent à nous filer des tuyaux au mois de mars, mais chut !), y repenser encore quinze jours après quand le BO publie les rectifications parce que dans la première version, on laisse toujours une ou deux erreurs histoire de paniquer les candidats, se lamenter pendant les quinze jours suivants sur l’auteur retenu cette année, parce que franchement, çui-là, on ne le connaît pas et il ne nous intéresse pas plus que ça, se re-lamenter deux fois plus après être allée à la journée d’agrégation de sa société savante, d’où l’on est repartie avec une bibliographie de quinze pages, s’écrouler avec des spasmes nerveux le jour où l’on se rend à la BNF et commande en toute innocence une dizaine de volumes qui s’avèrent peser un quintal pièce, devenir hystérique le jour où, à la veille de partir en vacances, on se rend compte qu’il va falloir remplacer la panoplie de Grosse Feignasse se dore la pilule au soleil et éblouit tous les plagistes par cinquante kilos d’articles et de volumes poussiéreux, qui en plus ne supportent ni la crème solaire ni les grains de sable de la plage ensoleillée, plonger dans une profonde dépression existentielle le 15 août, alors que la Vierge Marie entame son assomption vers les cieux et que soi-même (plus très) vierge (très) martyrisée, on se rend compte qu’on a bouffé ses premières semaines de vacances sans même avoir défini un programme tenable dans les douze séances de l’externe et les quatre de l’interne, en émerger une semaine plus tard parce la rentrée approche, et arriver à la mi-septembre, pâle, hagarde, défaite, anémiée et les ongles rongés (enfer et putréfaction), devant lesdits candidats de l’interne, qui vont essuyer les plâtres d’un cours mal maîtrisé, lequel sera du coup presque parfait pour les candidats de l’externe, pourtant infiniment plus mous et immatures. La vie des feignasses est décidément mal faite.
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