Mais le premier mardi, non, on était loin de s’imaginer l’enfer que ça allait être, de faire les maquettes. Déjà, le nom, ça faisait pas sérieux. Après, les gens, ils croient que les universitaires passent leur temps à jouer aux Lego. L’expérience aurait dû nous mettre la puce à l’oreille, un nom rigolo comme ça ne présageait que des emmerdements. Suffit de savoir que le logiciel qui sert à comptabiliser nos heures s’appelle GEISHA, que la pénurie usuelle est organisée par une application - SAN REMO - qui usurpe le nom d’une charmante ville de Ligurie, et que la dysharmonie permanente est mise en musique par HARPEGE, pour comprendre que les soubassements de la fac sont rongés par des esprits facétieux qui ont décidé de nous faire crever de rire (et je ne dis rien du gros bazar qui sert à mesurer la profondeur des abysses d’ignorance de nos étudiants - et de temps en temps à leur décerner un diplôme - que les mêmes esprits vengeurs ont baptisé APOGEE). Mais je crois que le must reste à venir avec SYMPA. Alors, évidemment, appeler « maquette » le schéma global des enseignements année par année (avec ses volumes horaires, ses coefficients, ses intitulés d’UE, de cours et de TD, et ses fameux zeucétéhesses qui servent à garantir qu’un étudiant d’ingénierie des plastiques à Limoges pourra faire reconnaître sa formation dans un cursus de sciences du langage à Bratislava), c’est un piège.
Naïve et court vêtue, mais tout de même de blanc, me voilà donc assise, ce mardi, au milieu de mes petits camarades de la filière Lettres, brandissant de ma jolie mimine manucurée le stylo qui allait nous permettre de tracer sur le papier les ondoyants et nécessaires contours de La Maquette - oui, c’est moi qui tenais le stylo, ce jour-là : le prof de XIXe n’arrivait pas à mettre la main sur le sien, les latinistes n’avaient pris que leur Palm et ma collègue de comparée faisait sécher son vernis. L’atmosphère était débridée : le président en effet s’était montré over-tolérant sur ce coup-là. En théorie, on avait encore le temps, mais lui, il préférait qu’on s’y mette tout de suite, à ces maquettes. Un grincheux avait bien essayé de lui faire remarquer que là, on était à peine à mi-contrat, c’est à dire qu’on n’avait expérimenté les maquettes actuelles que depuis une année et demie, que c’était peut-être un peu court pour dresser un bilan et proposer des améliorations - peine perdue. On nous avait fort justement rétorqué que le fait d’avoir mis en oeuvre les maquettes actuelles depuis moins de deux années universitaires ne nous avait nullement empêché de remplir et de renvoyer les « navettes » d’évaluation, donc il n’y avait plus aucune raison désormais pour qu’on ne se livre pas, du même mouvement allègre et gracile, à l’évaluation finale desdites maquettes, et à leur total relooking. Entre nous, relooker des maquettes avant même d’avoir eu le temps de tester les trois années de la licence qu’elles décrivent, c’est comme poser un eye-liner avant l’ombre à paupières, mais bon.
(à suivre...)
aaaaaaaaaahhh tu as parlé d'allègre dans ton billet, horreur!
RépondreSupprimer@Lorenzo : oui, mais j'ai aussi parlé de gracile (et lui, au moins, on est sûr qu'il ne sera plus jamais ministre).
RépondreSupprimer