(suite et fin)
Dans l’escalier, je croise le doyen : « vous êtes là cet après-midi ? – Heu… - Non parce qu’il faut qu’on discute du plan Licence, vous savez ? Il y a une réunion à 14h30, ce serait bien que vous veniez. – C’est-à-dire que… - Oui, je sais, je vous ai prévenue un peu tard, mais on aurait besoin de votre avis. »
16h. Toujours pas ouvert ma boîte mail. Je suis assise devant mon bureau, le regard vitreux. Dans l’heure et demie qui me reste avant de devoir considérer que ma journée est finie (sinon, je n’ai pas le temps de faire les boutiques, ce qui serait un comble pour une feignasse comme moi), qu’est-ce que je vais avoir le temps de faire ? Ben tiens, corriger mes épreuves, au moins. Allez, j’ouvre mon mail : le message du doyen pour la réunion dont je viens de sortir, deux messages d’étudiants qui me demandent un rendez-vous, trois messages pour agrandir la taille de mon pénis, ah ! ma commande est arrivée !, douze messages « Re – grève administrative », et puis, ô joie, la revue RHLF (Revue Hilarante et Libertaire des Feignasses) qui m’annonce fièrement en « objet du message » : « épreuves ». Je clique pour ouvrir le fichier attaché, et ce c… d’ordinateur me lance un « cling » retentissant dans les oreilles : « Impossible d’ouvrir le fichier ». J’insiste en essayant de « choisir le programme dans la liste », puis de « trouver le programme approprié sur Internet », et parviens à obtenir… un fichier rempli de signes cabalistiques. Le temps d’envoyer un mail de protestation indignée, j’ai encore perdu trois quarts d’heure. Bon, j’ai bien un autre article en cours, je contemple le vernis qui commence à s’écailler sur mon pouce, j’hésite un peu, mais bon, allons-y. Je relis les premières lignes : « Comme le dit très justement Umberto Eco dans Lector in fabula : “Une sélection contextuelle enregistre les cas généraux où un terme donné pourrait être occurrent en concomitance (et donc être co-occurrent) avec d’autres termes appartenant au même système sémiotique” ». Ah bon ??? ça fait jamais que quinze jours que j’ai écrit ça, comment se fait-il qu’aujourd’hui j’y comprenne plus rien ?
Allez, pas la peine d’insister : la grosse feignasse se casse ! Je reprends mon sac. Bigre, qu’est-ce qu’il est lourd ! Ben ouais, c’est les bouquins que j’ai trimballés pour rien toute la journée. Voilà ce que j’appelle une journée productive, une vraie journée de feignasse sauf que j’ai même pas pu prendre de bain le soir, ma chaudière était en panne et ce feignant de plombier a pas voulu se déplacer.
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Magnifique !
RépondreSupprimerJ'ai suivi le lien depuis l'article de M. Joude, mais je garde le chemin en mémoire et je reviendrais, c'est sûr.
Je suis un gros feignant, moi aussi. Mon truc, c'est le café (je fais des heures de pauses café) et la lecture de l'Equipe, sur mon ordi. (j'aime bien aller au boulot parce que c'est chauffé, il y a la lumière...)
Avec les collègues qui partagent "mon" bureau, entre deux cafés, on échange gaiement nos opinions de spécialistes sur les actus sport, et on fait bloc au cas où un intrus viendrait avec du boulot...
Non, sérieusement, j'adore l'écriture.
Chez nous, c'est pas toujours chauffé, il n'y a pas toujours de lumière non plus, mais je suis une grosse feignasse depuis chez moi. Bah oui, on n'a pas de bureau non plus pour travailler ou recevoir les étudiants. Du coup, je travaille chez moi, sur l'ordinateur que je me suis payé. J'imprime mes travaux de grosse feignasse depuis l'imprimante que je me suis payée, et je m'éclaire avec l'électricité que je me paye aussi. Mais au moins, c'est moins dangereux pour la santé. Il n'y a pas de tableaux et de plaques de placo qui s'effondrent sur moi et les fils des prises et interrupteurs ne sont pas dénudés.
RépondreSupprimerEt puis, je suis rassurée: moi aussi je me pose régulièrement la question: "ça fait jamais que quinze jours que j’ai écrit ça, comment se fait-il qu’aujourd’hui j’y comprenne plus rien ?"
Et l'amiante...
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