mardi 17 février 2009

La Grosse Feignasse à la BNF (1)



C'est pas ma semaine, vraiment: déjà l'autre jour j'avais voulu travailler; et là, je ne sais pas, une poussée de fièvre, je me dis, “Allez, la Feignasse, va voir un peu à la BNF si j'y suis!”. C'était pourtant pas l'envie qui me démangeait, à la base. Cet article, je pouvais bien le faire à coup de copier-coller de wikipedia, comme mes étudiants. Mais non, il a fallu qu'un démon mal intentionné me souffle à l'oreille, insidieusement, que les bouquins dont je parlais, il aurait peut-être fallu les lire, enfin au moins les voir, enfin au moins mettre leur cote en note de bas de page. Le truc pas drôle dans l'affaire, c'est que je travaille pas sur des livres sortis en poche et disponibles à 7 euros à la Maison de la presse, ben non, faut toujours que ce soient des éditions introuvables dans des états pas possibles que même à la BNF ils savent pas s'ils ont vraiment eu raison de les conserver.
Des jours comme ça, faut s'infuser le train de trop tôt le matin — parce que la Feignasse, avec ses émoluments de lémurien, elle s'offre pas le billet heures de pointe, hé non. A peine dans le wagon je repère du coin de l'œil les sièges à éviter: là, un tire-au-cul de mon département, ici un flemmard de l'UFR d'Anglais, là-bas derrière deux planqués de la fac d'histoire, faudrait voir à pas se regrouper, ça finirait par se voir. D'ailleurs les autres ont la même stratégie que moi. On se répartit harmonieusement dans le wagon, et chacun déploie les instruments de son camouflage: çui-ci qui ouvre son PC (en vrai il va regarder Jack Bauer pendant le trajet, mais quand ça s'allume et que le voisin jette un œil négligent sur l'écran ça ressemble à un tableau Excel), celle-là sort une énorme liasse de copies (la même depuis des années, elle change juste la copie du dessus, à cause du millésime). Moi je prends chaque fois un bouquin tout gris de chez Droz, je l'ouvre dès que je m'assois, ça décourage les conversations et ça pose le personnage. Le train démarre, me faut pas loin de dix minutes quand même pour retrouver le sommeil.
Bonne fille, la SNCF a beaucoup d'égards pour mon hypertrichose, elle s'arrange toujours pour me laisser un p'tit rab de sommeil d'une vingtaine de minutes. Mais arrive quand même un moment où il faut s'extirper du wagon et rejoindre cette foutue bibliothèque. Au moins, ce qui est bien, c'est que l'architecte a prévu le coup. Il devait savoir que son bâtiment allait héberger des propres à rien, et qu'il fallait pas les brusquer, surtout pas les prendre à rebrousse-poil, donc il a tout bien pensé comme il faut. Déjà, entre le début de l'esplanade et ta place à l'étage "recherche", tu as moyen de perdre un bon gros quart d'heure. C'est toujours ça où tu bosses pas. Les jours de pluie, compter vingt minutes: soit tu prends le risque de te gameller sur les planches glissantes, soit tu empruntes à petits pas de vieillard les allées anti-dérapantes prévues pour te rallonger le trajet d'une petite centaine de mètres. Coup de bol, ce matin, il pleuvait à verse! Après ça, la routine: le gars te fait passer quatre fois sous le portique parce que ça fait "bip!" (la quatrième fois, les types derrière commençaient à pas trouver ça drôle, j'ai tout sorti d'un coup, les clés et tout; vraiment, les mauvais coucheurs dans cette bibliothèque!). Après, si tu as bien calculé ton heure d'arrivée, y a la queue au vestiaire. Tu laisses passer devant les vieilles dames et les vieux messieurs, c'est toujours ça de pris, et après tu prends bien ton temps pour transvaser dans la malette transparente les machins in-dis-pen-sa-bles pour te session de travail au rez-de-jardin: vernis, i-pod, casse-croûte, le FigaroMadame, téléphone portable, nécessaire de manucure. Le jeune type allait emporter mes affaires, je l'ai rattrapé juste à temps: j'avais oublié de garder mon ordinateur! Bon sang, je devrais être plus attentive, je vais finir par me faire repérer.

(à suivre…)

3 commentaires:

  1. Moi, la BNF, j'en suis revenu. C'est bien d'avoir mis une loupiote qui clignote quand ton bouquin finit par arriver au bout d'une heure, mais franchement ils auraient pu prévoir une sonnerie : tout le monde n'a pas la chance d'être d'origine féminine et d'avoir quelque chose à vernir, alors qu'est-ce que tu veux qu'on fasse ? Ben, on dort.

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  2. Pouvoir passer une journée de parfait tire-au-flanc tout en faisant croire à une journée studieuse, quelle chance d'avoir la BNF à proximité !

    Moi, quand je veux me rendre à la bibliothèque, j'ai juste un escalier à descendre ; j'essaye bien de prendre mon temps, mais au mieux ça me prends 2 minutes. Ensuite je fais semblant de chercher mon badge, 30 secondes, puis je déambule tranquillement dans les immenses rayons d'au moins 5 mètres de long, pendant 10 bonnes minutes.

    Bref, bilan de l'escapade : 15 minutes maxi ; faut que je trouve autre chose :-/

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  3. Fallait choisir la musicologie. Que des disques à écouter, on laisse les musiciens se fatiguer. Mais surtout, le département de la musique de la Bibliothèque nationale est fermé ad libitum. Alors, quand on y va travailler, on peut s'arrêter sur les Grands-Boulevards, et siroter quelque chose, sur fond de mp3.

    Yotte

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