vendredi 6 mars 2009

La Grosse Feignasse part en vacances (partie III)




C’est là que je commets l’erreur, LA faute de débutante, je devais pourtant savoir — un geste inconsidéré, guidé sans doute par la curiosité de vérifier si on ne me propose pas de nouveaux tests de lotion calmante pour la peau du dessous du genou (j’ai participé à un test pharmaceutique, j’ai bien conscience de faire avancer la science en prêtant mon corps) : je relève ma messagerie. Et là, tombe en silence une rafale assassine de mails en provenance de tous ces affreux tire-au-flanc déjà partis, eux, en pause pédagogique : le doyen qui me demande si j’ai bien pensé au bilan du programme Réussite à la Faculté que nous devons remettre à la rentrée (ben non, tiens, je n’y avais pas pensé, mais ça tombe pile-poil, la valise a une poche extérieure, j’y glisse le dossier) ; la bonne copine qui me remercie avec effusion d’avoir accepté (j’ai fait ça, moi ?…) de lire la première partie de sa thèse parce que là, vraiment, elle ne sait plus quoi en penser, et grâce à moi elle peut partir en vacances l’esprit tranquille (ben tiens, et la partie de thèse à télécharger, 120 pages !), et encore merci, smack smack ; le collègue qui me rappelle que dans le cours que nous avons monté ensemble, c’est mon tour d’assurer trois séances, il serait donc bien que je poste sur l’environnement numérique de travail mon planning et ma bibliographie, et que je lui envoie par la même occasion mes suggestions pour les évaluations finales, afin qu’il en assure la coordination; la responsable de acquisitions de la BU qui m’annonce que pour les prochaines commandes la date limite est le premier mars, à cause du changement de logiciel de gestion, et que je dois par conséquent dresser au plus vite la liste des ouvrages que je souhaite faire acquérir pour la prochaine année académique ; et enfin pas moins de dix-sept étudiants qui me demandent : si j’accepte qu’il m’envoient leur dossier par mail vu qu’ils n’ont pas pu assister à la dernière séance parce qu’ils avaient la grippe (mais sans attendre ma réponse, ils joignent ledit dossier) / si je peux les recevoir parce qu’ils aimeraient changer de groupe de TD pour des raisons qu’ils ne peuvent vraiment pas exposer par courrier / si je peux les recevoir parce qu’ils aimeraient changer de filière pour des raisons qu’ils ne peuvent vraiment pas exposer par courrier / si je peux les recevoir parce qu’ils aimeraient changer de master pour des raisons qu’ils n’ont vraiment pas envie d’exposer par courrier.


Les bras m’en tombent. La machine s’emballe, télécharge des pièces jointes, me demande où archiver les documents. Ma valise me scie le bras (mais pourquoi est-ce que je l’ai encore à la main, elle ?), je la lâche brutalement, oubliant qu’il y a deux bouquins dedans. Elle me broie le pied. Je m’assieds en gémissant, d’une main malhabile attrape le tube de crème Pieds sensibles. Mon Dieu, faites que la pause soit terminée, qu’on reprenne enfin le rythme assoupi des semaines de travail…


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